J'ai peur de paraitre aigrie, peur de mal m'exprimer, peur d'être mal comprise, critiquée ou jugée.
Donc à la suite de ce que j'ai lu chez Chulie et chez Zelda, je me rend compte que j'ai suivi ce « tu es responsable de ton boulot de merde, t’as qu’à reprendre tes études, changer de boulot, être plus combatif ». Je l'ai appliqué ça à ma propre vie.
Lassée de ne pas avoir de boulot, à l'age de 24 ans, j'ai choisi de m'engager dans un secteur qui embauchait.
Je bossais non stop, j'étais rappelée au milieu de la nuit ou pendant mes jours de repos. Je vivais avec mes collègues, pour le meilleur (les barbecue les soirs d'été) et pour le pire (mon chef derrière sa fenêtre à surveiller toutes les personnes qui venaient chez moi).
Je gérais les crises des autres, mais on me reprochait toujours de ne pas en faire assez.
On m'a aussi reproché d'avoir invité mes parents chez moi pour Noël : « visiblement, votre priorité n'est pas votre carrière ».
Et puis un jour, j'en ai eu marre, un jour j'ai craqué et comme j'avais un chéri sur qui je pouvais (et je peux toujours) compter, j'ai décidé de reprendre ces études que je n'avais jamais pu faire. Parce que oui, espérer trouver un travail correct avec un niveau bac, de nos jour c'est une utopie.
Partir n'était pas un choix. C'était une décision. J'ai pris la décision de changer de cap comme on prend la décision de soigner un cancer. On a le choix de ne pas le faire, mais on sait que si on ne le fait pas, ça va nous tuer.
Je pèse mes mots. Quelques semaines avant mon départ, un collègue s'est suicidé, puis un autre a fait une tentative quelques mois plus tard.
Je passe les détails sur mes 2 ans d'études où mon mec était au chômage. J'ai obtenu mon diplôme. Bac +2 à 29 ans. C'est pas flamboyant, mais c'est mieux que rien.
Aujourd'hui, je n'ai pas de travail, et comme j'ai eu la bonne idée de démissionner, je n'ai pas droit au chômage.
J'ai passé des entretiens, mais on me reproche mon manque d'expérience. Je me suis inscrite en intérim, mais là aussi, on m'a répondu que je n'avais pas d'expérience et que les employeurs demandaient des gens expérimentés...
L'histoire de l'œuf et de la poule.
A une époque de ma vie, comme beaucoup de gens je pense, je rêvais de faire une carrière artistique. On m'a répondu, et à juste titre, que ce n'étais pas un plan envisageable, que j'allais vivre dans la précarité, que je n'aurais pas de revenu fixe, que je ne pourrais pas faire vivre une famille avec ça.
Là, j'en suis au même point mais ce que je cherche, c'est juste un boulot normal.
Autour de moi, mes amies font des enfants, achètent des appartements, se marient.
Je me dit que ce n'est pas la vie que j'ai envie d'avoir, mais finalement, ce n'est pas un choix.
Alors oui, aussi paradoxalement que ça puisse paraître, je m'inquiète pour ma retraite.
Je les entend bien les « tu ferais mieux de bosser avant de te soucier de partir en retraite ». Sauf que si je bosse pas, je n'aurais jamais de retraite. Et si les gens ne partent pas en retraite, les postes auxquels je pourrais prétendre seront occupés.
Et au fond, je me dit que pour beaucoup de gens, comme pour moi, cette histoire de retraite n'est que la conséquence d'un malaise plus profond.